DSP. L'heure du bilan du réseau MAT

Saint-Malo Agglomération vient de publier l'appel d'offre pour la remise en jeu de la Délégation de Service Public d'exploitation du réseau MAT, détenue par le groupe Keolis depuis 2006.

L'ouverture de cette procédure est l'occasion de tirer un bilan du réseau mis en place le 5 juillet 2014, alors que les candidats sont invités à optimiser le réseau afin de tenir compte des évolutions de l'urbanisation de Saint-Malo tout en palliant aux points faibles de l'offre actuelle.

Un article d'Antoine.

Un réseau modernisé

La prise en main du réseau de transport en commun de Saint-Malo Agglomération par le groupe Keolis en juillet 2006 a permis la mise en place d'un réseau performant composé de lignes proposant des niveaux d'offre distincts et desservant l'ensemble des communes de l'agglomération. Par ailleurs, en corrélation avec les grands projets urbains de l'époque, la polarité du réseau avait été déplacée d'Intra-Muros à la Gare, permettant une réduction des temps de parcours.

Le second contrat débuté en juillet 2013 a été marqué par une modernisation de l'exploitation quotidienne grâce à l'introduction d'un système d'aide à l'exploitation et d'information voyageurs. Malgré ses fonctionnalités limitées, ce SAEIV Luciol (nom du produit développé pour Keolis par Navocap) a permis d'améliorer la connaissance du réseau de transport public (régularité, vitesse commerciale, suivi des courses pour les conducteurs...).

De surcroît, les responsables politiques avaient souhaité profiter de la mise en place de ce second contrat pour optimiser l'offre du réseau de transport en commun, avec un objectif de croissance de sa fréquentation, notamment dans les communes périurbaines.

De plus, le réseau de 2014 a été accompagné par le renouvellement massif du parc, dont la moyenne d'âge est pour la première fois descendue en-dessous des sept ans, âge habituellement visé par les autorités organisatrices de la mobilité. Enfin, c'est également au cours de ce contrat, qui s'achèvera le 31 août 2019, que le réseau a adopté son identité définitive - devenant le réseau MAT - et qu'il a été doté du système de billettique intermodale KorriGo.

Vers une optimisation du réseau urbain

Le réseau urbain, structuré par les lignes 1, 2 et 3, donne satisfaction à Saint-Malo Agglomération, avec une fréquentation moyenne de 3 passagers par kilomètre offert sur ces lignes. À elles seules, elles concentrent ainsi 50% de la fréquentation journalière du réseau.

Cependant, ces dernières présentent une fréquence faible (à Quimper, le réseau armature constitué de deux lignes offre un passage toutes les 12 minutes) sur la majeure partie de leur parcours, alors que la fréquence offerte entre Intra-Muros et Gares apparaît surestimée pour la fréquentation réelle de ce tronçon (l'arrêt Intra-Muros ne représente que 10% des montées-descentes du réseau, et est pourtant desservi par 5 lignes dont 4 structurantes - 1, 2, 2exp et 3). De surcroît, le réseau ne propose pas en hiver d'amplitudes étendues, notamment en fin de semaine, alors qu'elles pourraient contribuer à dynamiser le centre historique.

Par ailleurs, il est demandé aux candidats de concevoir une nouvelle desserte pour le pôle Aqualudique et le pôle en développement de la Croix Desilles. Enfin, les candidats seront invités à réfléchir à la desserte du parking relais Paul Feval, où la hausse de fréquence attendue sur le réseau armature devrait permettre de supprimer en heures normales la ligne 2 express, peu utilisée et au cadencement avec la ligne 2 imparfait.

De surcroît, il est demandé aux candidats de réfléchir à une amélioration de la desserte des zones blanches actuelles (futur pôle associatif Surcouf, rue de la Ville es Cours, EPHAD). On peut ainsi s'attendre au développement d'une meilleure offre pour le quartier de la Haize en plein développement, ainsi que le retour d'une desserte plus efficace de l'hôpital du Rosais.

La mise en place d'un réseau structuré autour de lignes "plus fortes" - selon les termes de Saint-Malo Agglomération - devant se faire à coûts constants, le futur exploitant n'aura pas d'autre choix que d'optimiser l'ensemble des circuits comme l'appel d'offre l'y invite. Transports Malouins avait publié l'an passé une proposition en ce sens, qui soutient la mise en place d'un réseau articulé autour de deux lignes fortes avec une fréquence comprise entre 10 et 15 minutes.

 

Enfin, consciente que l'amélioration de la régularité du réseau ne pourra pas se faire sans la mise en place d'aménagements spécifiques, Saint-Malo Agglomération demande aux candidats de proposer des améliorations de voirie à mettre en œuvre pour faciliter la circulation des bus. Par ailleurs, l'autorité organisatrice de la mobilité réfléchit à la mise en place d'un système d'ondes vertes, qui grâce à la détection des autobus en amont de ces derniers, permettrait de limiter le temps passé aux feux.

Une réflexion en profondeur pour le réseau périurbain

À l'inverse, le réseau périurbain n'a pas atteint les objectifs de report modal qui lui étaient fixés par Saint-Malo Agglomération. Pourtant, c'est celui qui avait le plus bénéficié de la refonte de 2014, avec une augmentation de 15% du kilométrage offert.

En effet, s'il enregistre des résultats très satisfaisants dans la première couronne - la fréquentation - dont est retranchée les voyages domicile - école - des bus au départ de Cancale, Saint-Coulomb, Saint-Jouan et Saint-Méloir ayant été multipliée par plus de trois pour une offre n'ayant que doublé dans les trois premières communes ; le bilan est plus mitigé dans la seconde couronne où la fréquentation a stagné à des niveaux très faibles.

Cela s'explique d'une part par la géographie de l'agglomération, d'autre part par l'offre proposée.

En effet, Saint-Malo Agglomération présente une distance importante entre sa ville centre et son extrémité sud, induisant des temps de parcours importants où seul le train permettrait un réel report modal. De surcroît, cela entraîne pour la moitié des communes de l'agglomération (et 75% de celles de Saint-Malo Agglomération) une double appartenance à des bassins de vie distincts, en l'occurrence à ceux de Dol de Bretagne ou de Dinan en plus de celui de Saint-Malo.

De plus, les lignes du réseau périurbain desservant la seconde couronne (lignes 11 et 12) imposent une correspondance en périphérie de la ville de Saint-Malo, ce qui a conduit à un allongement significatif des temps de parcours par rapport à la situation antérieure. De surcroît, le remplacement des courses en Transport à la Demande par des courses régulières n'est pas toujours parvenue à répondre aussi bien aux demandes des clients en termes de flexibilité et d'offre proposée. Ainsi, un grand nombre de courses à vide circule en dehors des périodes de pointe scolaire, témoignant de la prédominance des usagers captifs dans la fréquentation du réseau.

Par conséquent, Saint-Malo Agglomération demande aux candidats d'engager "une réflexion en profondeur" pour redéployer l'offre du réseau périurbain, ouvrant même la voie à une diminution de l'offre dans les communes de la seconde couronne où le service de transport public n'est utilisé que de manière superficielle. En contrepartie, Saint-Malo Agglomération accorde une attention particulière à la réduction drastique du temps de parcours des communes les plus excentrées vers le centre de Saint-Malo. De même, une attention particulière est portée à la mise en place d'une desserte efficace vers le sud-est de la ville de Saint-Malo Agglomération, où la construction d'un pôle d'échange est envisagée à proximité d'AquaMalo.

En parallèle, plusieurs communes demandent à ce que des services vers les bassins de vie voisins soient mis en place. Si les cadres de gouvernances actuel interdisent Saint-Malo Agglomération, de telles réflexions pourraient être développées dans le cadre de la mise en place du réseau régional BreizhGo. De même, des réflexions pour mettre l'inégration des services de TER entre La Fresnais et Saint-Malo au sein du réseau MAT pourraient être engagées. Mais cela ne pourrait sans doute pas se faire sans qu'une réflexion plus large sur la gouvernance des transports publics urbains ne soit engagée.

De l'innovation dans le service rendu à l'usager

Après la mise en place en fin d'année dernière d'un site internet responsive, Saint-Malo Agglomération demande aux candidats d'accélérer la digitalisation du réseau. Cela pourrait passer par la mise en place d'une application mobile, qui rendrait plus accessible les fonctions de recherche d'itinéraire ou d'horaires en temps réel sur les smartphones des usagers du réseau. De surcroît, on pourrait imaginer qu'elle permettrait la vente de titres de transport, ce qui permettrait de diminuer d'autant les ventes à bord. En ce sens, elle serait une amélioration de l'application Seamless, peu utilisée à l'heure actuelle.

En parallèle, la possible mise en œuvre d'un système d'ondes vertes pourrait pousser Saint-Malo Agglomération à devoir renouveler le logiciel de son SAEIV afin de lui permettre de prendre en charge ces fonctionnalités - rappelons qu'une interface avec le système billettique n'a pas pu être mis en œuvre.
Par ailleurs, au contraire de l'appel d'offre de 2012, la soumission de 2018 offre la possibilité aux candidats de distinguer l'offre de transport de semaine de celle du samedi. Cela permettrait d'optimiser les moyens engagés en fin de semaine, afin de les mettre en adéquation avec les besoins réels des usagers. De même, Saint-Malo Agglomération demande aux candidats de prêter une attention particulière au caractère touristique du territoire, de façon à proposer une offre adaptée sur une plus longue période, de façon à prendre en compte la réorientation du secteur touristique vers des séjours plus courts, mais étalés sur une période plus grande de l'année.

De surcroît, l'autorité organisatrice demande aux candidats de proposer des évolutions de la gamme tarifaire afin de renforcer l'attractivité du réseau. On pourrait ainsi voir apparaître des titres de transport valables plusieurs jours et/ou pour plusieurs personnes. Pour autant, le parking relais continuera d'être géré par le contrat de DSP stationnement de la ville de Saint-Malo, ne permettant pas au réseau de bénéficier de ses recettes bien qu'il en assure désormais la recette.

Par ailleurs, ce développement de la gamme tarifaire se ferrait de concert avec le développement de l'étape deux du projet KorriGo. Cette dernière consiste en la mise en place d'un système de back office, qui permettra la mise en place d'une gamme tarifaire combinés entre l'ensemble des réseaux partenaires qui serait plus lisible et accessible que l'offre Üzuel actuelle.

Le futur titulaire de la délégation de service public du réseau MAT sera également invité à accroître la politique de communication du réseau, afin de mieux faire connaître son offre de transport. Cette demande fait suite au constat que de nombreuses offres du réseau ne sont pas connues et utilisées par l'usager, telle que la connexion entre les lignes 10 et 12 à Chateauneuf pour réduire le temps de parcours des habitants de Perguer.

Enfin, durant la première année de contrat, le titulaire de la délégation de service public d'exploitation du réseau MAT sera invité à réaliser une étude énergétique pour aider l'autorité organisatrice à déterminer le meilleur choix technologique (gaz, hybride ou électrique) pour le renouvellement de sa flotte. Dans le même temps, Saint-Malo Agglomération confirme mettre un terme à sa politique d'acquisition de la totalité de la flotte du réseau. Cela s'explique par une volonté de réduire les dépenses de fonctionnement du réseau, qui avaient été lourdement impacté par l'achat massif de véhicules en 2014, alors que certains ne roulent que peu car placés en réserve ou engagés sur des services scolaires.

L'appel d'offre de 2012 avait été accompagné d'un réseau de base, visant à guider la réflexion des candidats, et prévoyait la transformation des méthodes d'exploitation du réseau grâce à la mise en place d'un système d'aide à l'exploitation et d'information voyageur. À l'inverse, la présente soumission apparaît moins engagée, se limitant à une analyse objective et exhaustive des points positifs et des faiblesses du réseau de Saint-Malo Agglomération.

Mais en réalité, l'appel d'offre qui débute ouvre de très nombreuses portes aux futurs candidats pour l'exploitation du réseau MAT. En corrélation avec les développements de l'urbanisme de Saint-Malo Agglomération, c'est ainsi dans le cadre de ce futur contrat pourrait connaître ses plus importantes évolutions, permettant à l'offre du réseau MAT de rattraper celle proposée par les villes bretonnes comparables, et en premier lieu Quimper.