Après cinq années de délégation pour RATP Dev, le Conseil communautaire de Saint-Malo Agglomération confie la gestion du réseau de transport en commun malouin au groupe Transdev. Keolis était également candidat.
Le conseil communautaire de Saint-Malo Agglomération a choisi l’offre de Transdev pour exploiter le réseau MAT sur la période 2024 – 2030, après 5 années de gestion du réseau par RATP Dev. Dans son offre, Transdev.
En mars 2023, Saint-Malo Agglomération (SMA) lance une concertation avec ses usagers pour déterminer les grands principes de son nouveau réseau de transport. Forte de 4 000 répondants à un questionnaire en ligne et de 3 réunions thématiques (dont une dédiée aux conducteurs du réseau) ; ce processus de concertation met en avant le besoin d'un système de transport fréquent, minimisant les correspondances et peu cher pour ses utilisateurs.
Sur cette base, SMA engage à l'été 2023, une procédure d'appel d'offre pour recruter un nouveau délégataire à compter du 1er septembre 2024.
À l'issue de cette procédure, c'est Transdev qui est retenu, marquant la fin d'une délégation singulièrement courte (5 ans) à RATP Dev. Par rapport à ses deux concurrents, l'offre de Transdev se démarque par une offre de transport jugée agile pour le périurbain et par des engagements de fréquentation particulièrement élevés.
Un réseau urbain remanié
Dans son cahier des charges, SMA ne demandait pas de profonde modification du réseau urbain. Cependant, Transdev propose de renforcer la hiérarchisation du réseau, d'ajuster l'offre à la fréquentation des différents arrêts et d'offrir de nouvelles connexions. Ce nouveau réseau repose ainsi sur trois gammes de lignes :
- Lignes Structurantes - un bus toutes les quinze minutes
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- 01 : Croix Desilles - Gares - Saint-Servan - Aquarium-Cézembre (- St-Jouan-des-Guérets 1 bus/2) : fusion des lignes 01, 03 et 05,
- 02 : Intra-Muros - Gares - P+R Paul-Féval - Découverte - Launay-Breton - Moulin : cette ligne est renforcée toute l'année avec des partiels entre Intra-Muros et Paul Féval. Un bus toutes les 7,5 minutes sera proposé sur ce tronçon.
- Lignes Urbaines Secondaires - un bus toutes les trente minutes
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- 04 : Rothéneuf - Paramé - Gares - Maupertuis-Hôpital - Launay-Breton - Château-Malo : la ligne abandonne la desserte de la ZI Sud au profit des principaux pôles générateurs de l'agglomération,
- 05 : Cancale - St-Coulomb - Paramé - Gares (- ZI Sud - Briantais 1 bus/2),
- 06 : ligne reconduite à l'identique.
- Petites lignes urbaines - un bus toutes les heures, en minibus
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- La Haize - Paramé - Cottages - Gares - ZI Sud - Aquarium Cézembre,
- Porte de DInan - Gares - St-Servan - Quelmer (prolongée à Moulin en été) : cette ligne reprend le tracé de la 08 actuelle, à l'exception du passage par les écluses en direction de Quelmer,
- Croix Desilles - Petit Paramé - Découverte - St-Servan : véritable nouveauté du réseau, cette ligne dessert le cœur du quartier de Bellevue qui n'est aujourd'hui pas desservi.
- Lignes Estivales
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- 08 : le prolongement aux campings de la Ville Huchet et du P'tit Bois est reconduit, et allongé jusqu'au pôle commercial de St-Jouan,
- 09 : ligne reconduite à l'identique,
- 16 : nouvelle ligne, assurant une navette entre le parking de délestage de Cancale et le centre-ville de cette commune, avec un passage toutes les 20 minutes de 10.00 à 23.00.
Un réseau périurbain virtuel
Lors de la création du réseau périurbain, en 2006, Keolis Saint-Malo met en place un dispositif innovant pour l'époque. Un système de TAD complétait ainsi le réseau de lignes périurbaines qui offraient une desserte régulière aux heures d'entrée/sortie des établissements scolaires.
Cependant, la réservation constituant une contrainte pour les usagers à la veille de la démocratisation du smartphone, le TAD est supprimé en 2014 et remplacé par une offre régulière ; que RATP Dev renforce à son arrivée en 2019. Cependant, les augmentations successives des kilomètres parcourus ne permettent pas d'augmenter la fréquentation des lignes périurbaines ; qui reste à large dominante scolaire.
Pour le réseau 2024, Transdev propose donc un retour en arrière, avec la suppression pure et simple des lignes régulières du réseau périurbain. Si les services scolaires assureront toujours un maillage régulier vers les établissements scolaires, les usagers occasionnels se verront désormais proposer uniquement un service de TAD.
Ce nouveau service fonctionnera de 06.00 à 21.00 du Lundi au Vendredi (07.00 - 21.00 le Samedi, 10.00 - 20.00 le Dimanche). La réservation pourra être effectuée jusqu'à 1h avant le déplacement par téléphone, le site internet du réseau et une application mobile dédiée. Sa forte amplitude vise à attirer sur le réseau une nouvelle clientèle.
104 arrêts seront desservis dans les communes périurbaines, dont cinq aires de covoiturage. Sur St-Malo, 27 arrêts de dépose seront proposés, dont 15 sont implantés dans des zones d'activité. Il sera possible de se déplacer des communes vers St-Malo et entre les communes.
Un réseau scolaire renforcé
Alors qu'une partie des scolaires sont transportés dans les lignes régulières - induisant de nombreuses surcharges - Transdev propose de redéployer un réseau scolaire dans le territoire de l'agglomération. C'est un autre retour, le réseau scolaire ayant été largement écrémé lors de la restructuration de 2014.
Les communes périurbaines continueront d'être desservies par des cars passant à heure régulière, assurant les entrées de 08.00 et de 09.00, les sorties de 12.00, 16.00, 17.00 et 18.00. Cependant, les élèves seront désormais affectés à un circuit scolaire qu'ils devront emprunter matin et soir, ceci afin de réguler leur fréquentation. Ce large choix de sorties devrait permettre aux collégiens et lycéens de ne pas souffrir de la suppression des lignes régulières interurbaines.
Des engagements ambitieux
L'offre de Transdev se démarque de celle de ses concurrents par des engagements de recette et de trafic particulièrement ambitieux. 4,8 millions de voyages devraient être effectués sur le réseau à horizon 2030, contre un peu plus de 3 millions en 2022, soit une augmentation de près de 50%... alors que la fréquentation du réseau stagne depuis 2010. De même, Transdev s'engage sur une croissance des recettes de près d'un million d'euros par un à l'échéance du contrat.
Par ailleurs, Transdev propose le déploiement de l'Open Payment - c'est-à-dire le paiement à bord des bus par carte bancaire - sur le réseau. Cependant, le voyage vendu par ce biais le serait à 2,00€, soit le même prix vendu par le conducteur, ce qui devrait en limiter l'intérêt.
Enfin Transdev propose la mise en place d'un poste de régulation central au dépôt de Routhouan. Cependant, les régulateurs (trois personnes) devront composer avec un système dépourvu de fonctions de régulation. De plus, un poste de régulation ne pourra réellement profiter aux clients que si le régulateur dispose d'un conducteur et d'un bus de réserve pour assurer des doublages ou assurer le départ d'un bus ayant pris trop de retard.
RATP, à la barre dans la tempête
L’éviction de RATP Dev ne surprend pas les observateurs. Choisi face à Keolis – qui n’en avait été averti qu’au dernier moment – en promettant une maximisation des kilomètres commerciaux à budget quasi-constant ; RATP Dev n’est pas parvenu à transformer l’essai.
À peine deux mois après le lancement du nouveau réseau, le 4 janvier 2020, la pandémie du Covid-19 s’abat sur la France qui se retrouve confinée. L'offre du réseau est alors fortement réduite, la fréquentation des lignes équivalant à peine à 4% de ce qu'elle était quelques semaines auparavant. Lors du déconfinement, la crainte de la propagation du virus engendre une baisse durable du trafic alors que l'offre est modifiée à plusieurs reprises pour s'adapter aux contraintes sanitaires. RATP Dev ne parvint jamais à s’approcher de ses engagements de recettes. En 2022, la fréquentation est revenue à celle de 2010, après un pic à près de 4 millions de voyages à la fin du deuxième contrat de Keolis.
À compter de l’été 2020, le sous-traitant Alliance Atlantique – qui a repris à Keolis Armor (surtout) et Transdev (un peu) l’exploitation des lignes périurbaines – est frappé de plein fouet par la pénurie de conducteurs de transport commun. Ce transporteur sans autre implantation locale n’est jamais parvenu à recruter les effectifs dont il avait besoin au quotidien pour assurer le service. Keolis Armor a en effet conservé une partie de ses effectifs tandis que la profession traverse une crise des vocations.
De nombreuses courses sont annulées pendant plusieurs mois, entraînant un fort mécontentement des élus – élus qui avaient changé depuis l’attribution du contrat. Saint-Malo Agglomération parvint à obtenir le remplacement du directeur tandis que Alliance Atlantique finit par jeter l’éponge.
En février 2022, la sous-traitance du réseau est reprise par RD Breizh, filiale créée pour l’occasion par RATP Dev. Dotées de moyens supplémentaires, elle parvint
à résoudre les pénuries de personnel et à consolider le réseau. Cependant, la confiance est rompue entre SMA et son délégataire, qui ne parvient pas à la restaurer pour voir son contrat
renouvelé.
Des avancées pour le réseau
Si la délégation de RATP Dev a été mouvementée, elle marque plusieurs avancées pour le réseau. Contraint de proposer des investissements compatibles avec les ambitions financières de St-Malo Agglomération, RATP Dev n’avait proposé en 2019 que le renouvellement des 5 GX 317 durant sa délégation de transport public.
Toutefois, faisant le constat d’un parc vieillissant, le groupe compense avec lucidité le sous-investissement de l’agglomération. L’arrivée de RD Breizh est accompagnée de deux Urbanway 12 diesel de 2019. Ces véhicules sont destinés à remplacer les Volvo, dont la fiabilité notoirement relative se dégrade avec l’âge, que RD prend l’initiative de cesser d’exploiter.
C'est ainsi que RATP Dev parvient à convaincre SMA de l'urgence de moderniser massivement le parc. Sept bus neufs et trois d’occasion sont acquis entre 2022 et
2024. Neuf d’entre eux fonctionnent au GNV, permettent d’améliorer grandement – et à moindre coût – le bilan environnemental du réseau. Cette modernisation profitera en premier lieu à Transdev.
SMA prévoit en effet d'investir 9,1 millions d'euros pour poursuivre le renouvellement du parc jusqu'en 2030.
Enfin, RATP Dev relève avec succès l’organisation des navettes de la Route du Rhum. Représentant près de 38 000 km supplémentaires parcourus en 10 jours, l'offre spécifique à la Route du Rhum est cofinancée par RATP Dev à hauteur de 300 000€. Si l’édition précédente avait valu à Keolis des félicitations unanimes – quelques mois avec son éviction du réseau – RD parvient à perfectionner le dispositif en recourant exclusivement à des véhicules articulés sur les navettes parking.
Transdev aura à renouveler par deux fois l'organisation de cette manifestation durant sa délégation (en 2026 et en 2030). De surcroît, forte de l'expérience de la
Route du Rhum, SMA demande à son nouveau délégataire de mettre en place des navettes pour faciliter la mobilité à l'occasion de la Route du Rock, qui anime chaque été le fort de
St-Père.
Reste à savoir si le succès rencontré par les dispositifs de parkings relais à l'occasion de la Route du Rhum sera pérennisé par la réduction de l'espace alloué
au stationnement au pied d'Intra-Muros. En plus d'apaiser les abords du cœur touristique de la ville, les navettes constituent le principal levier de croissance pour la fréquentation du réseau
d'une ville dont la géographie continue de favoriser les modes motorisés individuels.