Saint-Malo Agglomération renouvelle massivement ses bus

Après près de 8 ans sans réception de bus neufs, Saint-Malo Agglomération a introduit depuis février 2022 neuf nouveaux véhicules sur son réseau. L'occasion d'opérer la transition énergétique du parc, la plupart de ces bus fonctionnant au BioGNV. En parallèle, un projet - questionnable - de conversion à l'hydrogène est entamé.

Le nécessaire renouvellement du parc

Mercedes Citaro 2 N du réseau MAT de Saint-Malo Agglomération, au départ d'Intra-Muros direction Aquarium-Cézembre.
Représenté par 9 exemplaires, le Citaro incarne depuis 2014 le réseau de transport malouin. Photo Antoine H.

Avec le renouvellement de la Délégation de Service Public (DSP) en 2013, Saint-Malo passe une commande massive de 22 bus, mis en service en juillet 2014. Ceci afin que l'Agglo soit propriétaire de l'intégralité du parc à l'échéance de la DSP 2013 - 2019. Cependant, cette politique est remise en cause dès les élections municipales de 2014.

Dès lors, hormis le Dietrich reçus en 2016, aucun véhicule urbain n'a été acheté par Saint-Malo Agglomération pendant près de 8 ans. Le renouvellement des GX 217 est réalisé entre 2017 et 2020 par des bus d'occasions, loués à Keolis dans un premier temps, puis apportés par RATP Dev en septembre 2019.

De fait, le parc urbain vieillit rapidement à compter 2013. Malgré la destruction par incendie accidentel en avril 2016, les GX 317 dépassent largement le seuil du million de kilomètres. Quant aux Volvo 7700, ils présentent des signes de fatigue. De fait, dès la fin-2021, 12 bus sont donc à renouveler à court-terme. Pourtant, le contrat de DSP de 2019 ne prévoit que l'acquisition de 5 bus entre 2020 et 2024 ; ainsi que des 3 M CIty dont l'utilisation est pourtant anecdotique.

Les premiers renouvellements

Iveco Urbanway 12 du réseau MAT de Saint-Malo Agglomération quittant Saint-Coulomb en direction de Saint-Malo et Saint-Jouan-des-Guérets.
L'un des trois Urbanway parisiens venus à la rescousse d'un parc périurbain passablement fatigué. Photo Antoine H.

En février 2022, le réseau MAT met en service un nouveau Citaro, le n°93, 8 ans après l'arrivée du dernier standard neuf. Le dixième Citaro 2 du parc se distingue de ses prédécesseurs par un système de micro-hybridation, qui assiste le moteur thermique lors des phases de redémarrage. Conséquence de la pandémie de Covid-19, il est équipé d'une vitre sur le portillon du conducteur, afin de séparer les flux d'air au sein du véhicule.

En parallèle, le nouveau sous-traitant RD Breizh loue à la régie parisienne deux Iveco Urbanway 12, afin de rajeunir le parc antédiluvien de la ligne 5. Un troisième Urbanway est reçu en septembre 2022. Grâce à cette opération, quatre Volvo et un Citelis peuvent être réformés ; tandis que les deux derniers Volvo sont conservés principalement pour assurer les navettes 2 Express en été.

Le réseau MAT opère sa transition énergétique vers le BioGNV

Heuliez GX327 du réseau QUB de Quimper Bretagne Occidentale au pied de la cathédrale Saint-Corentin et en direction du centre commercial de Gourvilly.
20 ans avant Saint-Malo, Quimper Communauté a ouvert la voie aux bus au gaz naturel en Bretagne.

Alors que le Citaro n°93 est reçu, Saint-Malo Agglomération prend la décision d'opérer la transition énergétique de son parc ; et s'oriente rapidement vers le choix d'une motorisation GNV (GNV signifiant Gaz Naturel pour Véhicules). Introduite en France il y a près de 25 ans dans des réseaux tels que Nantes, Besançon ou Quimper, cette technologie permet des gains substantiels en terme de qualité de l'air. Un bus GNV permet une réduction de 95% des particules fines par rapport à un bus diesel et dégage deux fois moins de dioxyde d'azote. Par ailleurs, lorsqu'il est produit localement grâce à une installation de méthanisation, il peut être qualifié de BioGNV.

Dès lors, des travaux sont engagés sur le dépôt de Routhouan pour l'équiper de bornes de recharge lente et adapter la machine à laver et l'atelier aux spécificités des bus fonctionnant au gaz naturel. Ces travaux ne seront cependant pas terminés pour la réception des premiers bus BioGNV de Saint-Malo Agglomération. Durant plus d'un an et demi, ces bus doivent donc être rechargés et lavés à la station publique de Miniac-Morvan, pour un coût de 150 000€.

Iveco Urbanway 18 de démonstration, prêté au réseau de transport de Saint-Malo à l'occasion de la Route du Rhum 2022. Il opère sur les navettes bus reliant les parkings-relais aux abords d'Intra-Muros.
À l'occasion de la Route du Rhum 2022, Iveco loue au réseau MAT deux bus de démonstration. Photo Antoine H.

Le constructeur Iveco - fort de son ancienneté et de quasi-monopole sur le marché français - est retenu par Saint-Malo Agglomération pour la fourniture des premiers bus au gaz naturel du réseau. Les trois premiers Urbanway sont livrés à temps pour la Route du Rhum 2022, permettant de renforcer provisoirement le parc.
En complément, Iveco loue au réseau MAT un articulé et un standard du même modèle pour assurer les navettes reliant les parkings-relais provisoires aux abords d'Intra-Muros. Ces deux exemplaires de démonstration bénéficient d'une technologie de micro-hybridation, sur le même principe de celle dont bénéficie le 93 mais qui n'est cette fois pas retenue pour les standards commandés par Saint-Malo Agglomération.

Malgré une présentation par Scania de son Citywide II, Saint-Malo Agglomération acquiert trois Urbanway supplémentaires à la fin de l'année 2023. En plus de la série de la fin 2022, ils bénéficient d'une porte médiane coulissante et de crochets porte-vélo au niveau de l'espace PMR.

La mise en service de ces six bus en à peine un an - un rythme d'achat inédit à Saint-Malo - permet aux GX 317 de tirer progressivement leur révérence, relégués aux quelques services de renfort d'heures de pointe avant d'être définitivement réformés au printemps 2024.

Le renfort de bus d'occasion

Heuliez GX 337 GNV du réseau MAT de Saint-Malo Agglomération à l'arrivée à Intra-Muros.
Ce véhicule de 2019 permet de renouveler à moindre frais les Volvo. Doté d'une sellerie à la charte RATP, il détone au milieu du reste du parc. Photo Antoine H.

Le remplacement des Volvo ayant été en partie réalisé par les trois Urbanway loués par le groupe RATP et destiné à être restitués à la régie en fin de contrat, Saint-Malo Agglomération est contraint de prévoir leur remplacement avant l'échéance de la DSP, au 31 août 2024.

Afin de lisser les investissements futurs de renouvellement du parc, choix est fait de ne pas les remplacer par des bus neufs supplémentaires. Saint-Malo Agglomération se porte ainsi acquéreur d'anciens bus de démonstration, mis en circulation en 2019. Il s'agit d'un GX 337 et d'un Crossway LE. Un troisième véhicule devrait les rejoindre au cours du printemps 2024.

Cependant, ces bus n'ayant pas été construits aux spécifications du réseau, ils ne sont pas parfaitement adaptés à leurs nouvelles missions. Le Crossway LE dispose d'un aménagement interurbain qui le rendrait plus adapté à la ligne 5 qu'aux lignes 1, 2, 3, 4 et 6 auxquelles il est affecté.

Un avenir hydrogène ?

Salvador Caetano H2 Citygold de démonstration sur le parvis de la mairie de Lorient.
Présentation d'un bus à hydrogène aux élus de Lorient Agglomération, en mai 2021. Avec la faillite du fournisseur des véhicules choisis pour équiper le réseau, la poursuite du programme lorientais est mise en question. Photo Antoine H.

Les véhicules les plus anciens du parc étant désormais renouvelés, Saint-Malo Agglomération planifie désormais le renouvellement. Cependant, ce renouvellement ne pourra pas être opéré intégralement avec des véhicules BioGNV, Saint-Malo Agglomération étant tenu en application de l'article L224-8-2 du Code de l’environnement d'acquérir au moins 50% de bus "à très faibles émissions", donc à motorisation électrique.

Après un essai infructueux à l'été 2020, la technologie de la batterie avec recharge de nuit est écartée au motif d'une autonomie insuffisante au regard de la distance - importante - des services véhicules existants à Saint-Malo. Le stockage d'énergie sous forme d'hydrogène semble donc s'imposer aux élus. À compter de 2025, Saint-Malo Agglomération prévoit donc de mettre en service 8 bus à hydrogène afin de remplacer les GX 327 de 2011-2013. L'hydrogène nécessaire au ravitaillement de ces bus sera produit dans une unité d'hydrolyse de l'eau construire en commun avec Saint-Brieuc Armor Agglomération.

Toutefois, le choix de cette technologie pose question dans une agglomération dont l'offre de transport est insuffisante au regard de son potentiel touristique et des enjeux de transition énergétique. En effet, un bus hydrogène coûte encore près d'un million d'euros alors qu'un électrique coûte un peu moins de 600 000€. De surcroît, le coût de roulage d'un bus hydrogène est 6 fois plus élevé que celui d'un bus électrique, et 2 à 3 fois plus élevé qu'un bus diesel. C'est pour cela que Montpellier a renoncé à l'hydrogène au profit de batteries pour ses futures lignes à haut niveau de service.

Solaris Trollino IV du réseau STAS de St-Étienne.
Grenoble, Lyon ou Saint-Étienne (en photo) font le choix du trolleybus pour leur transition énergétique. Désormais équipés de batteries, ces véhicules peuvent parcourir quelques kilomètres sans Ligne Aérienne de Contact. Photo Antoine H.

Par ailleurs, si des bus à hydrogène circulent depuis le début des années 2000, leur disponibilité et celle de leurs infrastructures de recharge reste insuffisante. Wiesbaden (Allemagne) a revendu la dizaine de véhicules qu'elle avait acheté, tandis que Pau renonce à poursuivre leur développement au profit de bus à batteries ; batteries dont l'autonomie progresse continuellement depuis 5 ans et pour lesquelles des solutions de recharge en cours de journée existent. Ainsi, Rennes choisit la recharge en terminus tandis que d'autres réhabilitent leurs réseaux de trolleybus.

Enfin, le stockage d'énergie sous forme d'hydrogène présente un bilan écologique très défavorable par rapport au stockage sous forme de batterie. La consommation énergétique des hydrolyseur et les déperditions des piles à combustible donnent au bus à hydrogène un rendement énergétique bien inférieur à celui d'autobus à batterie - 30 % contre 80 %, ce qui ne les rend pas beaucoup plus vertueux que des bus thermiques.

On peut donc regretter que les retours d'expérience d'autres villes n'aient pas été pris en compte dans le choix de Saint-Malo Agglomération ; choix qui se fera au détriment de l'offre de transport du réseau et de la transition énergétique.